NOS RÉVOLUTIONS

Comment filmer les fantômes ? Comment revisiter tous ces visages, ces silhouettes devenus les souvenirs latents des conflits qui n’en finissent pas, des révolutions inachevées ?
Pendant la guerre coloniale, je n’étais pas encore né. Manuel Roberto, lui est né et a grandi en son sein. Je fais partie des premiers enfants de la révolution portugaise, la génération d’après.
Pour l’un comme pour l’autre sous quelle forme ces révolutions se perpétuent ?
Avec la révolution du 25 avril 1974, le Portugal s’est débarrassé de 48 ans de dictature. Avec l’indépendance, le Mozambique a été libéré de siècles d’oppression et de domination coloniale d’un empire en déclin. C’est à l’époque de tous les rêves, de toutes les utopies que Roberto a commencé à photographier, l’époque où ils tentèrent de donner naissance à une révolution et de construire la meilleure république populaire du monde.
Mais la paix n’a pas duré et la guerre est revenue, provoquant cinq millions de personnes déplacées, un million de personnes tuées dans les combats ou mortes de faim et de nombreuses blessures qui ne sont toujours pas cicatrisées. Avec la paix, l’idée de construire un nouveau pays ressurgit. Mais les idéaux collectifs ont cédé la place à l’intérêt individuel, les biens matériels l’emportent et les rêves restent en suspens.
Les fantômes de ces guerres interminables continuent de nous hanter. Nous ne savons plus ce qu’il subsiste de nos révolutions.